Maguire : rendre accessibles les chaussures haut de gamme

Le billet de Myriam Belzile-Maguire

Vendredi 16 mars 2018
Myriam Belzile-Maguire est la fondatrice et designer de Maguire Boutique, qui a vu le jour au printemps 2017.

On peut dire que j’ai eu un parcours très linéaire. Certains entrepreneurs ont des itinéraires professionnels chaotiques qui sont le fruit du hasard, mais pas moi! Pour chaque décision que j’ai prise au cours des 20 dernières années (j’ai 33 ans!), j’avais en tête que je voulais devenir designer de chaussures, idéalement de ma propre marque. J’ai tout d’abord étudié le design industriel à l’Université de Montréal, puis j’ai découvert le Cordwainers College de Londres, l’un des seuls endroits au monde où on enseigne le design de chaussures (pour lequel je rembourse toujours mon prêt étudiant, d'ailleurs).

Après mes études et contre toutes attentes, j’ai été sélectionnée pour travailler un an à la Fabrica, le centre de recherche de United Colors of Benetton en Italie. Puis, j’ai décidé de retourner au Québec afin de travailler pour l’une des plus grandes compagnies de chaussures au monde : Aldo. Ça a été la meilleure école pour apprendre la profession de designer de chaussures. Je donne d’ailleurs le conseil suivant à tous les jeunes qui veulent se lancer en affaires : allez travailler dans le domaine où vous voulez lancer votre entreprise. Si j’avais lancé mon entreprise en sortant de l’école, mon parcours entrepreneurial aurait certainement été plus long et ardu. Travailler dans l’industrie m’a permis d’élaborer une vision claire pour mon entreprise et de lancer ma première collection rapidement, et sans (trop de) stress. 

Oser un modèle d’affaires différent

Quand j’ai quitté Aldo pour démarrer mon entreprise, il était clair pour moi que je n’allais pas essayer d’entrer en compétition avec mon ancien employeur. J’avais envie de faire quelque chose de différent. Je trouvais le modèle d’affaires traditionnel étourdissant. Il demande beaucoup d’investissements dès le départ; des salons à l’étranger, des agents, des distributeurs et surtout des boutiques ou revendeurs qui dictent les prix de vente. Je n’aimais pas le concept des soldes, où finalement plus personne n’achète à plein prix. C’est un cercle vicieux qui fait monter les prix de vente et où le consommateur ne sait plus quelle est la vraie valeur des produits. 

J’avais simplement envie de créer des produits de qualité sans compromis et en fixant le bon prix dès le départ. En travaillant dans l’industrie, j’ai aussi réalisé que les coûts de production et les prix de vente étaient souvent très éloignés. Je voulais faire des chaussures haut de gamme, mais avec le moins d’intermédiaires possible et en limitant nos coûts afin d’offrir le meilleur produit au meilleur prix toute l’année. Pas de soldes d’après Noël ni de Vendredi fou. C’est comme ça que notre concept de « Luxe à prix juste » est né.

La transparence comme alliée

À la base de mon entreprise, j’avais aussi le désir d’expliquer aux gens les dessous du domaine de la chaussure, car il s’agit d’un milieu peu connu. J’essaie donc d’appliquer la transparence à tout ce que je fais dans mon quotidien afin que mes clients puissent mieux comprendre tout le travail derrière la production de chaussures, mais aussi les éléments à considérer dans leurs achats, que ce soit les designs, les matériaux, la provenance ou les prix. 

Non seulement nous sommes transparents face à nos coûts de production, mais nous choisissons chaque manufacture avec soin et donnons le plus d’informations possible sur notre production. Durant la dernière année, nous avons créé des partenariats avec sept manufactures, situées en Italie, au Canada, en Éthiopie et en Chine; bientôt nous travaillerons avec le Portugal. J’ai visité personnellement chacune de ces manufactures afin de m’assurer que les conditions étaient bonnes et que les propriétaires partagent la même vision que nous : c’est-à-dire un commerce au détail plus transparent et plus juste pour tout le monde. 

Je me suis aussi inspirée d’autres entreprises émergentes en vente directe comme Everlane, M.Gemi ou encore Linjer aux États-Unis. En essayant de commander sur leur site, j’ai réalisé qu’en ajoutant le taux de change, les douanes et le transport, ce n’était plus avantageux. On a vu une occasion de devenir les leaders canadiens, car nous avons encore trop peu de choix au pays.

Les femmes en affaires

Étrangement, le milieu de la chaussure est un domaine où les hommes sont généralement à la tête. Toutes les manufactures avec lesquelles je travaille sont dirigées par des hommes. Je crois que les femmes devraient avoir une plus grande voix dans le domaine de la chaussure, surtout dans la chaussure pour femme. Ça semble un concept simple, mais ce n’est pas toujours appliqué! Quand je crée un produit, je pense à plein de détails : Avec quoi peut-on porter la chaussure? Le talon est-il trop haut? La chaussure est-elle confortable pour plus de 2 heures? Etc. Inversement, en ce moment j’essaie de faire des chaussures pour hommes pour la première fois et j’ai vraiment besoin d’avoir l’avis de mes amis masculins afin de comprendre leur réalité. C'est la preuve que nous avons tous besoin des uns et des autres dans une équipe.

 

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Crédits photo: Naomie Tremblay