VitalTracer: la santé à cœur… et au poignet

L’histoire de Azadeh Dastmalchi 

Lundi 16 novembre 2020
Le projet d’étude de la doctorante Azadeh Dastmalchi est devenu une entreprise innovante qui pourrait révolutionner la façon dont on suit l’état de santé d’une foule de patients et de populations vulnérables. Et cela, grâce à sa montre intelligente à usage médical, capable de capter toutes sortes de données en temps réel. Portrait.

L’histoire de VitalTracer remonte à 2010, année où on a diagnostiqué un problème d’hypertension chez le père d’Azadeh Dastmalchi. Celui-ci s’est retrouvé pris avec une routine qu’il oubliait trop souvent de respecter et qui impliquait l’utilisation d’un appareil exerçant sur son bras une pression désagréable. Non seulement il ne s’habituait pas à manipuler l’équipement requis pour mesurer sa pression artérielle, mais il était peu enclin à noter de manière fiable les résultats obtenus. Azadeh Dastmalchi, qui commençait alors sa maîtrise en génie biomédical à l’Université d’Ottawa, a vu là une excellente problématique à explorer dans son mémoire. « Je me suis dit qu’il serait intéressant de mettre au point un type d’équipement qui ne requiert pas l’usage d’un brassard ».

Les débuts

La première piste envisagée par l’étudiante était d’utiliser des capteurs optiques. Ses lectures sur le sujet l’ont menée à s’intéresser à la piste de l’intelligence artificielle (IA). En 2012, une première mouture de son système utilisait déjà l’IA. Toutefois, plus âgés, les spécialistes médicaux de l’époque n’étaient pas trop friands des nouvelles technologies, leur préférant les appareils éprouvés. Azadeh Dastmalchi ne trouvait personne dans le domaine universitaire qui croyait à l’avenir d’une telle technologie et qui voulait vraiment y accorder de l’attention. Pour remédier à ce manque d’ouverture, elle a convaincu un superviseur plus jeune et plus favorable à l’innovation de la prendre comme étudiante à la maîtrise. En 2014, quand elle a obtenu son diplôme de maîtrise, elle avait en main une preuve de concept pour son idée.

Le projet était à ce point porteur que ce superviseur a invité Azadeh Dastmalchi à continuer ses recherches au doctorat, lui octroyant au passage une bourse pour l’inciter à poursuivre ses travaux. Au même moment, un ami de l’étudiante, qui s’était lancé dans les affaires et qui voyait dans ce projet d’études un potentiel énorme, a commencé à inciter celle-ci à le transformer en entreprise. L’étudiante a donc continué son parcours scolaire, double cette fois : en entrepreneuriat et en génie biomédical. « J’ai donc appris à rédiger un plan d’affaires, un modèle d’affaires… Tout, en fait. Je ne connaissais de l’entrepreneuriat que le quotidien, puisque j’ai grandi dans une famille de deux entrepreneurs. »

En 2018, Azadeh Dastmalchi a déménagé à Montréal et a été acceptée dans l’accélérateur X-1 de l’Université McGill. « C’est à ce moment que mon aventure entrepreneuriale a réellement débuté », affirme-t-elle, enthousiaste. Ce programme de 10 semaines, en 2019, l’a menée à présenter son projet dans différentes villes dans plusieurs pays. « Dans le cadre du programme X-1, il fallait présenter tous les jours. J’ai appris à parler en public, à oser. C’est maintenant dans mon ADN de me présenter devant le public. »

La mise en œuvre

VTLAB_WatchLes premières approches n’ont pas été simples pour l’entrepreneure et sa partenaire Zahra Zangenehmadar, avec laquelle elle a cofondé son entreprise. En effet, on comparait toujours la montre mise au point, nommée VTLAB, à la Apple Watch. Azadeh Dastmalchi avait du mal à prouver l’avantage réel de son produit, qui séduisait peu les investisseurs. L’entrepreneure et jeune mère s’est donc retroussé les manches afin de prouver la différence entre son produit et celui de ses concurrents Apple et Samsung. Pour ce faire, elle s’est appuyée sur l’exemple d’autres jeunes entreprises en croissance du domaine médical, telles qu’Imagia.

Découvrez aussi l’histoire d’Imagia.

D’une part, l’entrepreneure a découvert qu’en lui ajoutant plus de capteurs et qu’en développant de nouveaux algorithmes, la montre pouvait mesurer et analyser toutes sortes de signes vitaux et se démarquer des autres produits grand public. D’autre part, l’entreprise a mis en place un système qui permettait de localiser l’infonuagique pour les hôpitaux. Cette proposition distinctive s’est révélée très attrayante, particulièrement au Canada, où les établissements consacrent beaucoup d’efforts à la protection des données personnelles. À partir de cette idée, l’équipe de VitalTracer a continué à peaufiner son produit minimum viable, lequel a été vendu à quelques chercheurs de l’Université d’Ottawa intéressés par les signaux bruts, un autre flux de données qui ne pouvait être fourni par Apple.

L’année 2020 et la suite

Puis est arrivée la pandémie. En raison des efforts de recherche scientifique sans précédent axés sur la COVID-19, 500 précommandes ont été passées pour les montres de VitalTracer cette année et 1 000 pour 2021. Comme les chercheurs désirent analyser une panoplie de biomarqueurs tels que le taux de saturation en oxygène, le rythme cardiaque ou la température de la peau, la montre de VitalTracer jouit désormais d’un avantage indéniable par rapport à ses concurrents grand public.

La montre VTLAB est pour l’instant offerte uniquement aux chercheurs, en raison du modèle d’affaires B2B adopté par VitalTracer. On est toutefois en train de développer le marché secondaire des résidences pour personnes âgées. En date de l’automne 2020, la technologie mise au point par VitalTracer est en attente de son homologation par Santé Canada et la FDA aux États-Unis, un processus qui devrait s’échelonner sur encore quelques mois, mais elle demeure disponible à des fins universitaires.

L’entrepreneure

Azadeh Dastmalchi, qui attend son deuxième enfant durant cette année particulière, vit à la fois une grande joie et une certaine pression à cause de la situation actuelle. « L’entrepreneuriat a toujours été très excitant et gratifiant à mes yeux. En cette période de pandémie, c’est à la fois plus porteur et plus stressant en raison de toutes les responsabilités relatives aux précommandes. » En effet, la production et l’approvisionnement de certaines pièces étant compromis ou retardés du fait de la pandémie, sans compter les pépins rencontrés, les deux entrepreneures ressentent une pression accrue. Leur technologie pourrait par ailleurs jouer un rôle important dans la recherche sur la COVID-19 puisque leur montre peut à la fois servir à détecter les symptômes précoces et à suivre la guérison.

Dans un avenir rapproché, Azadeh Dastmalchi se concentre toutefois sur la croissance de VitalTracer dans les deux premiers marchés visés, le Canada et les États-Unis. Elle attend de voir le dernier mot de 2020 avant d’amorcer la prochaine phase du développement de son entreprise.

VitalTracer en chiffres :

6 : le nombre de personnes dans l’équipe VitalTracer
2 : le nombre de pays dans lesquels l’entreprise mène ses activités
1500 : le nombre de précommandes en date de l’automne 2020