Archex: s’imposer dans les grands salons du monde

L’histoire d’Anik Forest

Vendredi 28 août 2020
Anik Forest a repris avec sa sœur l’entreprise de conception et de fabrication de stands d’exposition pour les salons commerciaux fondée par leur père. Si elle croyait auparavant que l’attribut « entrepreneur » était réservé à ceux qui, comme lui, avaient bâti une entreprise à partir de rien, elle le revêt avec humilité aujourd’hui, après avoir transformé la vision d’Archex en jouant d’audace.

Déjà quand elle était au secondaire, Anik Forest avait une idée très claire de ce qu’elle envisageait comme carrière, jusqu’à la couleur très pâle ou au blanc immaculé de son bureau qu’elle se représentait minimaliste.

« Dans mon souvenir, je n’étais pas nécessairement patronne, mais j’étais dans les hautes sphères de gestion et j’effectuais mes tâches très calmement… et je portais un tailleur, raconte en riant celle qui est maintenant présidente d’Archex. Cela ressemble beaucoup à ma réalité aujourd’hui, excepté que j’ai troqué le tailleur pour des jeans et que mon bureau est moins bien rangé que l’idée que je m’en faisais à l’époque. »

En 1991, elle a intégré l’entreprise familiale. La transition s’est faite plus rapidement que ce qu’on anticipait, car son père, alors malade, désirait vendre. Anik Forest avait à peine terminé ses études en administration des affaires à l’UQAM. « J’aurais voulu prendre de l’expérience ailleurs avant, raconte-t-elle, mais j’ai levé la main pour lui signifier mon intérêt. » 

La réaction de son père s’est avérée surprenante. « J’ai eu droit à un “oui, mais tu es une fille!”, même s’il ne se rappellerait probablement pas m’avoir dit ça, ajoute-t-elle. Je comprends aujourd’hui son insécurité : ce domaine était alors très masculin, j’avais seulement 23 ans, j’étais enceinte et l’entreprise menait ses activités d’un océan à l’autre. » Elle a néanmoins plongé dans l’aventure, d’abord au service de la comptabilité.

Une transition échelonnée sur plus d’une décennie

Son père a fini par surmonter ses problèmes de santé et a travaillé aux côtés d’Anik Forest pendant 15 ans. « Durant les cinq premières années, j’étais plus en formation qu’autre chose : je l’accompagnais aux réunions, je prenais des notes et, en sortant, je posais mes questions », se souvient-elle. 

Au fil du temps, elle a pris du galon. Elle a d’abord travaillé aux ventes, un domaine dans lequel elle se sentait comme un poisson dans l’eau, puis elle est devenue directrice administrative. À ce titre, elle s’occupait davantage des ressources humaines, notamment des entrevues, des évaluations de rendement et de la gestion des fins de contrat.

À la fin des années 1990, alors que son père partageait sa vie entre le Québec et la Floride, où il passait tous ses hivers, elle a été promue directrice générale. « J’ai assumé plus de responsabilités durant cette période, si bien que, vers 2002, je suis devenue vice-présidente », ajoute-t-elle. Entre-temps, sa sœur Stéphanie, qui était pilote de brousse, était aussi entrée au service d’Archex.

Le père des deux sœurs Forest est décédé subitement en 2008, en Floride. Ayant déjà fait ses preuves auprès de la clientèle, des employés et des fournisseurs, Anik Forest est alors devenue présidente d’Archex, selon le plan qu’elle avait établi avec son père, et sa sœur Stéphanie a pris la direction des opérations. Leur mère a gardé 20 % des actions de l’entreprise jusqu’en 2018, soit jusqu’à ce que les deux sœurs en fassent l’acquisition en parts égales pour devenir officiellement copropriétaires d’Archex.

Ne pas se contenter du statu quo

Anik Forest est arrivée à la tête de l’entreprise en pleine récession économique. Elle a consacré la première année principalement à consolider les activités d’Archex, qui avait perdu trois importants contrats dans ce contexte économique. Dès 2010, elle a revitalisé l’image de marque d’Archex en la « féminisant » afin de la distinguer, à son avis, des autres entreprises du milieu à forte prédominance masculine. 

L’internationalisation des activités d’Archex a constitué un des principaux vecteurs de croissance de l’entreprise sous sa présidence. « À mon arrivée en 1991, environ 5 % de nos contrats étaient destinés à l’extérieur du Québec, alors que ce chiffre s’élève aujourd’hui à environ 40 % », souligne-t-elle. La majorité des mandats provient d’entreprises manufacturières québécoises qui doivent exposer leurs produits ou services à l’étranger. 

Le marché des États-Unis est plus naturel pour Archex en raison des alliances stratégiques développées au fil du temps avec des partenaires établis dans les villes où se tiennent les grands centres de congrès. Malgré cela, l’entreprise compte aujourd’hui 150 partenaires répartis dans 70 pays. « Il s’agit pour moi d’une police d’assurance, soutient-elle. Ils ont les mêmes standards de qualité que nous, ils connaissent leur territoire, les lieux, et ils prennent en charge l’événement pour nos clients. »

Le créneau du « double international » s’est également développé en parallèle. C’est le cas, par exemple, pour un client en Russie qui, parce qu’il fait confiance à Archex, a demandé à cette dernière de construire un stand à Montréal pour l’installer aux États-Unis. 

« Le fonctionnement des syndicats américains, la réglementation et les douanes aux États-Unis, tout cela peut être insécurisant pour ceux qui ne connaissent pas bien ce pays, explique-t-elle. En plus de la qualité de nos produits, nous leur offrons la paix d’esprit assortie d’une exposition à l’étranger. »

La croissance avec un pied sur le frein

Depuis la réussite de l’internationalisation des activités d’Archex, Anik Forest a doublé le chiffre d’affaires de l’entreprise. La croissance d’Archex se maintient, si bien que l’entreprise doit constamment refuser des contrats.

« Comme entrepreneur, on ne veut pas avoir à faire ça. Mais nous avons dû prendre des décisions à un certain moment pour notre santé. Nous avons donc fait le choix de croître de façon organique, c’est-à-dire en choisissant des contrats plus payants, comme ceux à l’étranger, mais aussi en améliorant les processus à l’interne. »

Anik Forest

C’est ainsi que les ventes ont doublé et que les revenus de l’entreprise ont quintuplé depuis que les deux sœurs ont repris l’entreprise de leur père, et ce, jusqu’en 2020. Celles-ci forment depuis cinq ans des gens à l’interne pour assurer la pérennité de l’entreprise.

Comme elle évolue dans une industrie aux activités éphémères — les stands sont utilisés seulement quelques jours —, Archex tente également de concevoir des solutions plus durables et écologiques.

« Nous souhaitons aussi repenser nos processus de fabrication pour donner une deuxième vie au matériel utilisé pour fabriquer les stands, mentionne Anik Forest. Par exemple, il est possible de réutiliser un comptoir, un tapis, ou une boite à lumière pour un autre client tout en ajustant les couleurs et le logo afin de respecter l’image de marque du client. Cela permet de prolonger la vie d’un produit et d'offrir des économies intéressantes.»

À chaque situation sa solution 

Dans la situation sans précédent de la pandémie mondiale actuelle, Archex a dû se réinventer une fois de plus. Les activités liées aux salons commerciaux et à l’événementiel ayant été pratiquement toutes mises sur pause, ses dirigeantes ont rapidement trouvé une façon d’à la fois conserver des emplois et de favoriser la relance d’autres entreprises. C’est ainsi qu’Archex s’est lancée dans la fabrication de dispositifs de distanciation physique sur mesure : elle a mobilisé son équipe de designers pour créer des solutions adaptées à chaque environnement (restaurant, salon de coiffure, bureau ou autre) afin de rendre les lieux plus sûrs sans les dénaturer. La mission d’Archex, qui consiste à mettre en valeur une entreprise et sa vision, est en quelque sorte demeurée la même, mais elle est accomplie dans le contexte de la distanciation physique plutôt que celui d’une foire commerciale. L’entreprise s’attend à ce que de nombreuses autres cherchent, dans les prochains mois, des solutions plus durables aux mesures provisoires mises en place rapidement au début de l’été. Empathiques et animées d’un esprit d’entraide, les sœurs Forest demeurent donc prudentes devant l’incertitude qui plane, mais elles continuent de développer de nouveaux marchés et produits.

L’entreprise en chiffres

5 : le nombre par lequel le chiffre d’affaires de l’entreprise a été multiplié depuis la reprise d’Archex par les sœurs Forest
700 : le nombre de petits et grands projets réalisés chaque année
27 : le nombre d’employés de l’entreprise
1976 : l’année de la fondation d’Archex

ENVIE D’EN SAVOIR PLUS?

Visitez le site Web de Archex