Élo Mentorat: une mission, deux entreprises

L’histoire de Catherine Légaré et Lyne Maurier

Lundi 7 décembre 2020
Lyne Maurier a baigné dans l’entrepreneuriat quand elle était petite, tandis que Catherine Légaré y est arrivée par la porte d’en arrière, celle de ses études doctorales. Ensemble, les deux cofondatrices d’Élo ont fait du mentorat leur projet d’entreprise… deux fois plutôt qu’une.

Les parents de Lyne Maurier étaient de vrais entrepreneurs. Ils ont fondé deux entreprises dans lesquelles elle a travaillé durant sa jeunesse. Dès l’âge de 23 ans, elle a décidé de voler de ses propres ailes en lançant, avec son copain, un service de soins à domicile pour personnes âgées. Bien qu’enrichissante, l’aventure n’a pas duré. Après un saut à Mont-Tremblant pour travailler dans le secteur de l’événementiel, elle est revenue à Montréal, où elle a ouvert cette fois un restaurant : La cuisine de Lili Margot.

« Dans ces deux expériences entrepreneuriales, je ne connaissais pas beaucoup le domaine, explique celle qui détient un MBA des HEC. Mais je crois qu’avec une bonne idée, on peut devenir entrepreneur, si on s’entoure des bonnes personnes. »

Après cinq années passées à travailler soirs et week-ends, puis l’arrivée de ses jumelles, Lyne Maurier a décidé d’abandonner la restauration, qui n’était plus vraiment adaptée à sa situation. « J’avais aussi envie d’avoir un impact dans la société, d’être plus éloignée de la quête de profit inhérente à l’entreprise privée », ajoute-t-elle.

De son côté, Catherine Légaré se dirigeait vers la recherche après des études en psychologie. C’est d’ailleurs dans le cadre de son doctorat qu’elle lançait, en 1999, le projet de mentorat Academos pour aider les jeunes à s’orienter professionnellement, en partenariat avec le Collège de Bois-de-Boulogne. « Au départ, je n’avais pas l’intention d’inscrire le projet dans la durée ni d’en faire un organisme, mais il a tellement eu du succès que je me suis laissé prendre au jeu, explique Catherine Légaré. J’ai voulu garder le projet actif et offrir plus de services, ce qui impliquait aussi des budgets plus importants. »

Elle a donc mis du temps à se considérer comme une entrepreneure. « J’ai eu cette révélation lorsque j’ai gagné le prix Jeune leader du Québec — responsabilité sociale au Concours provincial ARISTA de la Jeune Chambre de commerce de Montréal en 2009, ajoute-t-elle. Ça m’a amenée à côtoyer d’autres entrepreneurs de ma génération et à ancrer mon parcours dans celui de l’entrepreneuriat social, un terme qui commençait alors à émerger. »

D’OBNL à entreprise privée

Les chemins de Lyne Maurier et de Catherine Légaré ont fini par se croiser en 2008, quand la première a été nommée directrice générale d’Academos. À ce titre, elle assumait la direction des opérations, des finances, des ressources humaines et du développement des affaires. Trois ans plus tard, elle et Catherine Légaré, l’experte en mentorat, structuraient ensemble le projet en organisme à but non lucratif.

Soutenu financièrement par le Secrétariat à la jeunesse du Québec, Academos vise notamment à favoriser la persévérance scolaire. L’application mobile Academos met aujourd’hui en relation des jeunes de 14 à 30 ans avec des milliers de professionnels et leur permet de dialoguer gratuitement. Par ailleurs, environ 500 écoles ont intégré Academos à leur programme scolaire.

Au fil du temps, le besoin d’élargir le mentorat aux entreprises et à leurs employés s’est fait sentir, notamment chez de grands partenaires, comme Ubisoft, Desjardins et Intact Assurance, qui contribuaient financièrement à Academos et au recrutement de mentors. « On nous a exprimé ce besoin à plusieurs reprises, affirme Catherine Légaré. Alors, nous nous sommes mises à y réfléchir plus sérieusement pour voir s’il existait un marché réel pour cela, les produits existants et la manière dont nous pouvions déployer un tel service. »

Les deux collègues, qui ressentaient aussi le besoin de relever un nouveau défi, ont officiellement fondé l’entreprise privée Élo en novembre 2018. Avant même que le produit de celle-ci soit offert, le duo pouvait compter sur deux partenaires bâtisseurs qui ont accepté de s’engager financièrement dans le projet : l’Université du Québec à Montréal et l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

« Nous avons aussi eu la chance d’obtenir du financement de la Banque de développement du Canada et de PME Montréal, grâce auquel nous avons pu aussi définir et offrir rapidement un produit de qualité dans les deux langues », raconte Lyne Maurier.

Se nourrir mutuellement

Élo n’existe que depuis deux ans, mais 26 organisations utilisent déjà sa plateforme pour leurs membres, leurs employés ou leurs étudiants. Parmi ses clients figurent trois universités, le gouvernement fédéral, la Ville de Montréal, le Barreau de Montréal et le Barreau de Laval.

Ce succès rapide s’explique en partie par toute l’expérience sur laquelle les deux femmes au profil complémentaire ont pu compter pour lancer Élo et asseoir la crédibilité de l’entreprise. Par exemple, le plan d’affaires comportait une grande quantité de données solides sur le marché du mentorat, fruits de l’expérience acquise au fil des 20 années d’existence d’Academos. Élo s’investit même dans la cause sociale de cet organisme en lui versant 7 % de ses revenus bruts.

« Lancer une entreprise dérivée d’Academos présentait aussi un autre avantage, celui de nous permettre de demeurer à la direction de l’organisme, ce qui était très important aux yeux des membres de son conseil d’administration. Cela permettrait à l’organisme de se préparer tranquillement notre départ éventuel — si départ il y avait un jour », souligne Lyne Maurier.

Catherine Légaré travaille donc quatre jours par semaine à Élo afin de veiller à la croissance de la nouvelle entreprise et réserve sa cinquième journée de travail à Academos, dont elle est la porte-parole, pour former ses directeurs et gérer ses plus gros partenariats. Quant à Lyne Maurier, elle continue d’assumer la direction générale de l’organisme et de s’assurer que les deux organisations trouvent chacune leur compte dans cette association.

Élo et Academos partagent notamment des bureaux et certaines ressources, comme la comptabilité et les communications. « Cela coûte évidemment moins cher à Élo et à Academos et ouvre des possibilités de développement professionnel aux employés aussi », souligne Lyne Maurier. Deux employés se consacrent maintenant entièrement à Élo, en plus de deux stagiaires à temps plein. Le chiffre d’affaires d’Élo a doublé chaque année depuis sa fondation et l’entreprise s’apprêtait à entrer dans une phase de croissance lorsque la pandémie est survenue.

« Notre équipe est demeurée au front et nous avons réussi à trouver les bons messages et la bonne proposition de valeur pour promouvoir nos services différemment, affirme Catherine Légaré. Les résultats de ce positionnement se font sentir en ce moment. » En effet, deux projets de mentorat issus de la pandémie de la COVID-19, lancés avec le concours du Collège québécois des médecins de famille et de Quartier artisan, visent à aider certaines organisations à se relever de la crise.

Le mentorat sans frontières

En partie grâce à sa plateforme bilingue, Élo a récemment trouvé son premier client étranger dans la multinationale Medtronic, qui se spécialise dans la technologie médicale. « Un énorme travail a été nécessaire dans les derniers mois pour améliorer tous les aspects liés à la confidentialité des données et à la sécurité technologique, mentionne Lyne Maurier. Ces efforts nous ont également permis d’ajouter à notre liste de clients le gouvernement du Canada, dont les exigences en matière de sécurité sont élevées. » Le rêve ultime de l’entrepreneure serait d’ailleurs de voir la plateforme traduite dans plusieurs langues pour percer le marché mondial.

Élo se tournera aussi prochainement vers le capital de risque. « Nous constatons la grande attractivité d’Élo, notamment en raison de ses bons processus de vente, mais pour accroître sa visibilité et son volume d’activité, nous aurons besoin de financement », estime Catherine Légaré. Cette dernière souhaite pour sa part que l’application de mentorat d’Élo devienne la plus utilisée dans les entreprises, au moins en Amérique du Nord.

L’entreprise en chiffres

3600 : le nombre actuel d’utilisateurs de la plateforme d’Élo

26 : le nombre d’organisations qui utilisent Élo pour leurs membres, leurs employés ou leurs étudiants

200 : le pourcentage d’augmentation annuelle du chiffre d’affaires d’Élo depuis sa création en 2018

 

ENVIE D’EN SAVOIR PLUS?

Visitez le site Web de Élo Mentorat

 

En couverture (de gauche à droite) : Catherine Légaré et Lyne Maurier

Photo : Benoit Rousseau