Gourmet Sauvage: quand le succès vient de la forêt

L’histoire d’Ariane Paré-Le Gal

Vendredi 14 août 2020
L’entreprise Gourmet Sauvage a été fondée en 1993 par Gérard Le Gal afin de mettre en valeur et de commercialiser les produits forestiers du Québec. Aujourd’hui, l’entreprise poursuit sa mission grâce à la fille du fondateur, Ariane Paré-Le Gal et son conjoint, Pascal Benaksas-Couture, qui perpétuent et valorisent le savoir-faire des cueilleurs et les trésors de notre territoire boréal.

À une époque où, selon Ariane Paré-Le Gal, son père faisait figure de « précurseur puisque rien du genre n’existait encore au Québec en matière d’alimentation du terroir », Gourmet Sauvage a vu le jour de manière modeste et a été menée par un seul homme. L’entreprise propose depuis sa création des produits locaux et sauvages de la famille des produits forestiers non ligneux (PFNL), mais aussi des outils éducatifs afin de perpétuer la connaissance des ressources alimentaires de nos forêts.

Reprendre pour entreprendre

Gourmet SauvageAujourd’hui, la valeur des produits cueillis à la main n’est plus à prouver aux consommateurs, mais la mission d’éducation demeure importante au sein de l’entreprise. Ce désir de faire rayonner les produits de la forêt a d’ailleurs trouvé un nouveau souffle grâce à l’arrivée de la relève. Cette relève, Gérald Le Gal l’a trouvée en sa fille, Ariane, auparavant journaliste, et en son gendre Pascal Benaksas-Couture, diplômé en administration des affaires et entrepreneur (ce dernier a d’ailleurs cofondé l’entreprise de vêtements éthiques OÖM Ethikwear dont il s’est départi depuis). En 2015, ceux-ci ont quitté Montréal pour installer leur petite famille à Tremblant dans les Laurentides afin de reprendre le flambeau de Gérald Le Gal, de faire prospérer l’entreprise et de développer son offre agrotouristique. Le couple a donc racheté les parts du fondateur de Gourmet Sauvage, qui demeure très actif dans l’entreprise, et commencé à réfléchir à ce qu’il voulait faire de celle-ci.

Les nouveaux propriétaires ont ouvert un café-boutique saisonnier en 2018 à Saint-Faustin. Celui-ci aurait dû être suivi d’un second établissement, plus grand, n’eût été la COVID-19 qui a fait avorter le projet dix jours avant le premier coup de pelle. En dépit de cela, l’entreprise ne s’est jamais si bien portée, tout comme ses copropriétaires.

Avoir une vision

Depuis leur arrivée à la tête de Gourmet Sauvage, les copropriétaires actuels voulaient rapprocher la population québécoise de la pratique de la cueillette et des savoirs liés à l’alimentation forestière, notamment parce que la cueillette des PFNL est une activité qui peut être exercée de façon durable et responsable.

« Nous tentons de changer les choses sur le plan de l’alimentation, mais également dans les emplois que nous créons. »

Ariane Paré-Le Gal

En effet, Gourmet Sauvage emploie une centaine de cueilleurs saisonniers aux quatre coins de la province, de l’Outaouais à la Baie-James et de l’Abitibi à l’Estrie. Ce savoir-faire, que Gérald Le Gal a travaillé toute sa vie a transmettre au public en formant des cueilleurs, mais aussi en élaborant un cours de cueilleurs professionnels, a d’ailleurs été mis en livre par le père et sa fille dans l’ouvrage Forêt publié en 2019. « L’idée, explique Ariane Paré-Le Gal, c’est d’arriver à regarder nos forêts différemment et d’y voir autre chose que des deux par quatre. Il faut prendre conscience qu’il est possible de tirer des choses de la forêt, et ce, de façon pérenne. »

Le pari est relevé aux yeux de l’entrepreneure puisque, bien que cette économie soit naissante au Québec, elle se développe rapidement, notamment grâce à l’engouement du secteur de la restauration pour les produits forestiers. Les activités principales de l’entreprise demeurent à ce jour la cueillette en forêt et la transformation des PFNL en produits alimentaires qui sont ensuite vendus au détail, sur le Web et aux restaurateurs. Gourmet Sauvage n’a encore jamais vendu de produits frais. À ces activités s’ajoutent des ateliers donnés de mai à octobre sur la cueillette et la cuisine des plantes sauvages, et d’autres à l’automne sur les champignons. Cette transmission des connaissances revêt une importance particulière aux yeux d’Ariane Paré-Le Gal, selon laquelle « les ateliers permettent de faire comprendre tout le travail derrière les produits dégustés. Notre travail d’éducation ne se limite pas à rapprocher les gens de la forêt, il va au-delà de ça. C’est un rappel de ce que c’est de se nourrir grâce à son territoire ».

Prendre une pause pour mieux continuer

Quand la pandémie a frappé au printemps, Gourmet Sauvage a perdu presque 90 % de son chiffre d’affaires en raison de la fermeture des restaurants et de plusieurs boutiques. Sauvée par les ventes en ligne, l’entreprise a profité de sa structure assez légère pour concentrer rapidement l’énergie de son équipe sur ce qui pouvait être fait : investir dans le marketing numérique. Grâce à la publicité et à l’engouement accru des Québécois pour les produits locaux, l’entreprise a non seulement repris le dessus, mais elle enregistre une croissance constante.

Pour nous, cette période n’a été que positive. Nous avons vécu une pause collective importante et celle-ci s’est révélée très intéressante pour nous sur le plan entrepreneurial parce que nous avons eu le temps de réfléchir à nos façons de faire. Nous n’avions d’autre choix que de nous arrêter et d’essayer des choses. Nous avons ouvert de nouveaux marchés, exploré des pistes. Nous nous sommes confirmés à nous-mêmes que nous voulions conserver une structure légère, qu’il était important pour nous de mener plusieurs activités et exploiter différents créneaux, même si parfois certains rapportent moins. Nous avons suivi notre instinct entrepreneurial et nous savons que nous voulons des activités qui ne nous font pas seulement vivre, mais vibrer aussi. La crise aurait dû nous jeter par terre. Pourtant, nous allons mieux que jamais! »

L’entrepreneure explique qu’elle réfléchissait depuis un certain temps à une façon de cesser de produire toujours « plus de pots » pour répondre à la demande croissante. Les derniers mois lui ont prouvé qu’en créant un système dans lequel les circuits sont plus courts et le nombre d’intermédiaires réduit, il est possible de générer plus de valeur en produisant moins. En revanche, l’équipe de Gourmet Sauvage compte élargir l’offre éducative, entre autres au travers d’ateliers, dont certains seront donnés en ligne… en temps opportun. L’offre agrotouristique sera elle aussi bonifiée, lorsque les risques auront été écartés.

Pour le moment, Ariane Paré-Le Gal se concentre sur le développement de produits comme elle l’a toujours fait, au gré de ses propres découvertes et inspirations en forêt.
 

Gourmet Sauvage en chiffres

Entre 40 et 50 : le nombre de produits offerts dans la boutique en ligne

100 : le nombre approximatif de cueilleurs saisonniers qui approvisionnent Gourmet Sauvage

25 : le nombre d’années depuis lesquelles certains cueilleurs travaillent pour l’entreprise