Les jardins épicés: une microferme aux grandes valeurs

L’histoire de Sylvia Meriles

Lundi 23 novembre 2020
En quittant la Bolivie en 2007 pour le Québec, Sylvia Meriles ne se doutait pas qu’elle deviendrait ambassadrice et cultivatrice de fines herbes reconnues pour rehausser la cuisine de son pays natal. Treize ans plus tard, la voilà à la tête d’une exploitation maraîchère écologique de proximité.

Agronome de formation, Sylvia Meriles a travaillé en horticulture, de même que sur différents projets de développement avec les communautés autochtones en Bolivie. En 2007, elle a obtenu un visa d’études pour s’inscrire à la maîtrise en sciences de la gestion de l’eau à l’Université McGill, à Montréal.

Si elle pensait initialement retourner vivre en Bolivie, elle s’est finalement enracinée au Québec, où elle a trouvé un emploi et mis au monde deux enfants. Après son deuxième congé de maternité, elle sentait toutefois qu’il devenait plus ardu de concilier les attentes et les contraintes d’un employeur avec sa vie familiale. Elle a donc décidé de quitter son emploi.

« J’ai commencé à faire du bénévolat pour un organisme qui offrait une formation aux femmes entrepreneures, raconte Sylvia Meriles. Ça m’a fortement interpellée. J’ai commencé à penser à un projet qui me permettrait à la fois de m’épanouir professionnellement et de mettre en place des conditions de vie plus près de mes valeurs. »

Opter pour l’entrepreneuriat afin de combler un manque

L’idée de se tourner vers l’agriculture a germé dans l’esprit de Sylvia Meriles après qu’elle a remarqué que sa tante et ses amies, aussi établies au Québec, cultivaient soigneusement deux fines herbes en pot à l’intérieur de chez elles : le huacatay (menthe péruvienne utilisée notamment dans la préparation de sauces piquantes) et la quilquiña (coriandre bolivienne).

« J’ai trouvé étrange qu’elles les traitent avec le même soin que s’il s’agissait de plantes rares, alors que celles-ci poussent dans la plupart des jardins boliviens, explique-t-elle. J’ai ensuite compris qu’elles n’arrivaient pas à en trouver dans les supermarchés. J’ai voulu remédier à ça. »

À partir de ce moment, Sylvia Meriles a commencé à faire la liste des légumes plus traditionnels et des spécialités sud-américaines qu’elle aimerait cultiver, puis à rechercher des semences pour en planter. Elle a approché la Ferme Bord-du-Lac, un incubateur de projets agricoles, qui lui a déniché une terre d’un demi-hectare à louer à L’Île-Bizard. Elle a ensuite obtenu une subvention dans le cadre du programme Soutien au travail autonome. « L’encadrement offert et la formation étaient excellents et m’ont réellement donné l’impulsion nécessaire pour démarrer mon entreprise en 2012 », affirme-t-elle.

Savoir s’adapter à la demande

Les premières années, la quilquiña et d’autres légumes sud-américains occupaient la majeure partie de la parcelle exploitée. « Avec le temps, je me suis aperçue que la demande n’était pas suffisante pour me permettre de vivre de leur culture, j’ai donc dû élargir l’offre », remarque l’entrepreneure. En effet, les consommateurs connaissent peu ces produits et elle doit encore les leur faire découvrir. « Je les offre avec mes paniers de légumes pour qu’ils y goûtent, mais ce n’est pas imposé », ajoute-t-elle. Sylvia Meriles cultive maintenant une trentaine de variétés de légumes : courges, poivrons, laitues, petits pois, haricots, coriandre, poireaux, de même que — bien sûr — des légumes et herbes de spécialité.

Au départ, elle a frappé à de nombreuses portes pour faire connaître ses produits aux restaurateurs, en commençant par les restaurants mexicains et péruviens. Toutefois, la distance à parcourir pour les leur livrer chaque semaine compliquait ses activités. « J’ai finalement conservé quelques restaurateurs, qui passaient de grosses commandes et qui n’étaient pas situés trop loin. »

Puis, grâce à la création d’une page Facebook, son entreprise a augmenté sa visibilité, ce qui lui a permis d’investir les marchés fermiers, une source importante de revenus dans les premières années de la ferme. Cette dernière s’est aussi fait connaître grâce au Réseau des fermiers de famille, une plateforme qui permet aux consommateurs de trouver une ferme biologique près de chez eux pour s’approvisionner en produits frais. « Les gens s’inscrivent au printemps et paient généralement leur abonnement au complet, ce qui nous permet de payer les semences et les employés », mentionne Sylvia Meriles.

Aujourd’hui, l’entreprise tire principalement ses revenus de la vente de paniers de légumes aux particuliers. Ce créneau représente 90 % des revenus des Jardins épicés, qui réalisent le reste des ventes réalisées auprès des restaurateurs et des marchés solidaires.

Les jardins épicés possèdent également une petite serre d’environ 30 mètres sur 10 mètres. « C’est une serre froide pour le moment, puisque nous avons besoin d’une subvention pour l’améliorer, souligne Sylvia Meriles. Mais nous réussissons à y faire pousser même l’hiver des légumes résistants comme les épinards et la laitue. »

Limiter l’ampleur de la culture pour limiter la croissance

Même si Les jardins épicés disposent d’un demi-hectare de terre cultivable, Sylvia Mireles n’en exploite que les trois quarts. « C’est suffisant pour produire 60 paniers par semaine. Je crois beaucoup au modèle de la microferme et d’une culture biologique de proximité et à échelle humaine. »

D’après elle (et son expérience notamment en Bolivie), l’agriculture de masse qui requiert de la machinerie lourde contribue à enrichir quelques personnes seulement. Cette année, probablement en raison de la pandémie, la ferme a vendu 80 paniers de produits par semaine. « Je ne voulais pas en prendre plus afin d’éviter que ça affecte la qualité des paniers. » Pour ce faire, elle a dû embaucher deux personnes. « Par ferme à échelle humaine, je veux aussi dire une exploitation qui peut offrir des conditions de travail intéressantes aux employés afin qu’ils puissent également profiter de l’été. C’est important pour moi. »

Selon le modèle de la microculture bio-intensive et grâce à une parcelle de terre d’un demi-hectare, il serait possible de produire 200 paniers par semaine. Un objectif que s’est fixé l’entrepreneure à plus long terme, même si elle n’entend pas le dépasser. Pour arriver à cette étape de croissance, il lui faudrait embaucher deux ou trois travailleurs saisonniers de plus.

« La vente de semences représente aussi un beau créneau à développer pour l’avenir, de même que la vente de plantes au printemps, constate Sylvia Mireles. L’an dernier, j’ai commencé à vendre mes semences exotiques et j’ai ouvert une boutique en ligne cette année. »

Étant donné son désir de proximité, l’entrepreneure entend concentrer les activités des Jardins épicés dans l’ouest de l’île de Montréal. « Nous souhaitons également organiser un marché fermier directement à la ferme l’an prochain, vu l’intérêt grandissant observé. »

L’entreprise en chiffres

30 : le nombre de variétés de légumes cultivés par Les jardins épicés
90 : le pourcentage des revenus de l’entreprise tirés de la vente de paniers à des particuliers
80 : le nombre de paniers vendus par semaine en 2020

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Visitez le site Web des Jardins épicés