Tero: révolutionner le bac à compost
L’histoire d’Elizabeth Coulombe et de Valérie Laliberté
Les deux étudiantes se sont rencontrées dans le cadre de leur baccalauréat en design de produits à l’Université Laval. Membres de la première cohorte de ce programme, les deux collègues n’avaient pas, à proprement parler, pensé se lancer un jour dans les affaires quand elles ont entamé leurs études. Se sentant toutefois un penchant pour l’entrepreneuriat, Elizabeth Coulombe a choisi de suivre des cours complémentaires qui touchaient au marketing et à la gestion d’entreprise.
Un projet de fin d’études fécond
Dans le cadre de leurs études universitaires, les deux jeunes femmes ont présenté le projet Tero afin de favoriser l’atteinte de l’objectif fixé par le gouvernement québécois : bannir 100 % des matières organiques putrescibles des lieux d’enfouissement au plus tard en 2020. Inspirées par cette cible ambitieuse, elles ont eu l’idée de créer un appareil qui déshydraterait et broierait en trois heures les déchets alimentaires afin de produire un fertilisant pour les plantes d’intérieur ou du jardin.
« Nous avons pris le développement très au sérieux. Nous avons élaboré un vrai plan d’affaires qui serait réalisable si jamais le projet devait devenir autre chose qu’un travail de fin d’études. »
Elizabeth Coulombe, présidente et cofondatrice de Tero
La rigueur de la démarche a porté ses fruits. Durant l’exposition des projets présentés par les étudiants finissants, des visiteurs demandaient déjà au duo comme ils pouvaient se procurer l’appareil. « Nous leur répondions que l’appareil n’existait pas, remarque l’entrepreneure. Mais nous avons commencé à nous informer des étapes à suivre pour réaliser un projet entrepreneurial auprès d’Entrepreneuriat Laval, qui nous a dirigées dans la création de notre entreprise et incitées à participer à divers concours. »
La notoriété, facilitatrice de financement
Parallèlement aux démarches entreprises pour fonder Tero, Elizabeth Coulombe a poursuivi ses études à la maîtrise en administration des affaires — entrepreneuriat et gestion des PME, ce qui a permis à l’entreprise de s’inscrire à divers concours étudiants (et d’en remporter plusieurs).
Si la notoriété de leur projet s’est bâtie graduellement, deux événements ont contribué à propulser Tero dans la sphère médiatique. « Nous avons participé à un premier concours qui nous a obligées à créer une page Facebook pour nous faire connaître, puisque le projet gagnant se devait notamment d’amasser le plus de votes, explique Elizabeth Coulombe. Nous n’étions pas encore prêtes à présenter le produit, mais nous n’avions pas le choix de peaufiner le projet. Et nous avons remporté le concours! »
Tero a aussi fait partie de la sélection des projets présentés lors de l’exposition consacrée à Michel Dallaire, designer industriel canadien reconnu, au Musée de la civilisation à Québec en 2017-2018. « L’exposition portait sur l’ensemble de sa carrière, remarque la présidente de Tero, mais une zone aménagée à la fin proposait une réflexion sur le design de demain. Notre appareil avait été choisi par un jury présidé par le designer. »
Une telle visibilité a attiré l’attention des médias sur Tero. Les prix étudiants remportés jusqu’alors, qui se limitaient essentiellement à reconnaître les mérites du projet, se sont transformés en bourses. Parmi elles figurent celles du concours Mouvement de Novae, du Défi OSEntreprendre et du ministère de l’Économie et de l’Innovation, de même que la Bourse Pierre-Péladeau.
Ces subventions ont permis de financer la recherche et le développement de l’appareil. « Nous avions un concept et un design, mais pas encore de produit », indique Elizabeth Coulombe.
Fortes de cette notoriété grandissante, les deux cofondatrices ont lancé à l’automne 2019, sur la plateforme Kickstarter, une campagne de sociofinancement, qui s’est terminée le 14 novembre. « L’objectif d’un million de dollars a été atteint en une seule journée! », s’exclame l’entrepreneure. Celle-ci ajoute du même souffle que sa collègue et elle ont été surprises de la rapidité avec laquelle le financement a été obtenu, même si elles avaient analysé les autres campagnes à succès pour apprendre de celles-ci avant de lancer la leur. Cet effort leur a été bénéfique puisqu’elles ont finalement récolté 1,75 million de dollars grâce à cette campagne.
Une solution à un problème universel
Pour le moment, Elizabeth Coulombe et Valérie Laliberté portent le projet Tero à deux; la première s’occupant davantage du financement et des tâches administratives, et la seconde, du développement du produit. Si elles ont compté jusqu’à maintenant sur l’aide d’une amie pour la gestion des réseaux sociaux et sur divers groupes de soutien à l’entrepreneuriat, elles doivent maintenant envisager l’embauche d’une autre personne au courant de 2020.
Le concept initial de Tero n’était pas commercialisable. Après avoir travaillé avec des sous-traitants spécialisés en développement de produits, les entrepreneures sont parvenues à rendre l’appareil Tero fonctionnel. Il permettrait de réduire de 90 % le volume des déchets, sans produire aucune odeur, et d’éliminer les pathogènes des produits alimentaires d’origine animale grâce à un apport de chaleur.
Il ne reste plus que certains éléments à peaufiner avant que les précommandes, dont le nombre s’élève à 4 300, puissent être livrées. « Nous travaillons à la mise en place de la chaîne de production et d’approvisionnement », mentionne la présidente. Les précommandes seront livrées en deux temps, soit en août et en décembre 2020. Quant au grand public, il devrait pouvoir se procurer le produit dès 2021.
« Plusieurs petites municipalités communiquent avec nous pour discuter des solutions qu’elles pourraient proposer à leurs citoyens pour la gestion des déchets », affirme Elizabeth Coulombe. Comme la gestion des déchets est un problème mondial, les deux cofondatrices souhaitent un jour commercialiser leur produit à l’étranger, non sans avoir préalablement protégé la nouvelle technologie mise au point.
L’entreprise en chiffres
250 000 : le montant en dollars des subventions non remboursables reçues
1,75 : le montant en millions de dollars récolté grâce au sociofinancement
4 300 : le nombre de précommandes enregistrées pendant la campagne de sociofinancement
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Photo de couverture: Sylviane Robini
(de gauche à droite: Valérie Laliberté, Elizabeth Coulombe)