Qui a volé mon idée?

Le billet de Jean-Sébastien Noël

Vendredi 19 janvier 2018

Jean-Sébastien Noël est le cofondateur et responsable de La Ruche, un organisme à but non lucratif qui a pour mission de favoriser l’émergence de projets renforçant le rayonnement et la vitalité d’une région. Par l’entremise de sa plateforme de financement participatif de proximité, La Ruche contribue concrètement à la réalisation de nouveaux projets au Québec.

Ah, cette fameuse peur de se faire voler son idée! Qui parmi vous ne s’est jamais fait voler son idée? En effet, on est fier de son projet, on s’emballe, on en parle beaucoup, voire trop, et à plein de monde — à trop de monde, peut-être.

 

Avoir une bonne idée

Il arrive parfois que l’une de ces personnes qui écoutent ait le temps, l’envie et les aptitudes pour amener ton idée plus loin, pour la faire passer au stade de la concrétisation… mais sans toi! En fait, il ne lui manquait que ce petit détail qui fait que tout se met en place, cet ingrédient miracle que tu étais le seul à posséder et que cette personne t’a volé. Aujourd’hui, tu l’imagines millionnaire et retraitée sur une île aux plages de sable blanc et tu te promets bien de ne plus jamais parler de tes idées avec qui que ce soit. Mais est-ce vraiment… une bonne idée?

Dans mon rôle de cofondateur et de responsable de La Ruche, je rencontre régulièrement un grand nombre de promoteurs, qui s’inquiètent souvent pour leurs bonnes idées. Ils veulent savoir comment les protéger une fois qu’ils auront lancé leur campagne de financement en ligne. Ma réponse est généralement celle-ci : « La meilleure manière de protéger ton idée, c’est de la réaliser! »

Dans la vraie vie, si tu as une bonne idée, bravo et bienvenue au marathon de sa réalisation! Welcome to the grind, comme on dit en anglais. Au lieu de penser que tu viens de découvrir une recette magique, tiens pour acquis qu’en ce moment, une dizaine d’autres personnes au moins ont la même bonne idée que toi et que la course pour la concrétiser est déjà commencée.

Cela dit, n’hésite surtout pas à parler de ton idée. C’est en parlant d’elle que tu pourras bénéficier de rétroaction utile à la poursuite de ton projet. Quelqu’un te dira : « J’ai une amie qui a fait quelque chose de similaire, je peux te la présenter ». Ou encore : « C’est cool comme idée, mais as-tu pensé à ça? ». Ou même : « J’aime ça! Comment est-ce que je peux t’aider à la réaliser? » Tu auras ainsi la possibilité de découvrir des collaborateurs ou des associés potentiels.

Pour réussir, tu devras améliorer ton idée ou l’ajuster à la réalité, la moduler, et lui permettre de bénéficier d’une équipe compétente et de moyens importants. Tout ça, tu ne peux le faire seul. Et plus tu avanceras dans ton projet, plus il deviendra difficile pour une autre personne de te voler ton idée. Pourquoi? Parce que ton idée aura pris vie, elle commencera à exister ailleurs que dans ta tête. Voici un truc : demande-toi pourquoi personne n’a eu cette idée avant toi. Ça t’aidera à prévoir les difficultés qui pourraient se présenter à toi dans l’avenir.

Et l’entente de confidentialité?

Dans certains cas, il vaut effectivement la peine de protéger la propriété intellectuelle d’un système, d’un processus ou même d’une idée au moyen de brevets. Les ententes de confidentialité sont utiles entre partenaires qui partagent des secrets. Par contre, dans la majorité des cas, les signataires doivent déclarer les conflits possibles, et la discussion se termine bien souvent au moment même où elle aurait dû commencer. 

Et pourquoi ne pas déposer une marque de commerce? Dans les faits, l’existence commerciale d’une marque est souvent plus valorisée que son dépôt (son inscription sur le Registre des marques de commerce). Autrement dit, si tu n’exploites pas ta marque protégée, elle peut perdre la bataille légale au profit d’une entreprise qui exploite réellement la même idée sans être titulaire d’une marque déposée. Bref, si tu as le temps et les moyens de déposer ta marque, sache que c’est un plus, mais qu’il est toujours préférable de concrétiser ton idée. 

Cher entrepreneur, sache qu’une idée ne finit jamais comme on l’avait imaginée au départ. Elle évolue. Elle se fait critiquer et remettre en question par les gens ou par le marché, et elle doit s’adapter pour survivre. Tous ces chocs sont nécessaires, voire essentiels; c’est une sorte de course à obstacles, durant laquelle ton idée progresse vers sa réalisation.

Comment transformer une idée en succès?

Personne ne le sait! C’est la beauté de l’entrepreneuriat. Tu entreprends : tu entres et tu prends. Tu provoques des rencontres, des discussions. Bref, tu fais encaisser des chocs à ton idée et tu écoutes ton entourage pour apprendre et comprendre. 

En lançant une campagne à l’aide de La Ruche par exemple, tu pourrais avoir peur de te faire voler ton idée. Mais tu pourrais aussi choisir simplement de crier haut et fort : « Voici mon idée, voici mon rêve! » Dès ce moment, ton projet existe, il prend vie. Ce faisant, tu te retrouves déjà en avance sur ces 10 autres personnes qui ont possiblement eu la même bonne idée que toi. 

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