Pépinière Rochon: innover avec la culture de pommiers en serre
L’histoire de Jean-Marc Rochon
Jean-Marc est le maître d'œuvre de la pépinière, alors que son frère Vincent s’occupe du verger familial. Marcel, le patriarche et le fondateur de l’entreprise, est aujourd’hui plus en retrait, mais il lui arrive encore de transmettre de précieux conseils à ses fils.
LA POMME NE TOMBE JAMAIS LOIN DE L’ARBRE
Les pommes, c’est une affaire de famille chez les Rochon. Robert, le grand-père de Jean-Marc, obtient son premier permis de pépiniériste en 1944. À l’époque, il était coutume que la terre familiale revienne au fils aîné. Marcel n’étant pas le plus vieux, mais désireux de suivre les traces de son père, a économisé suffisamment d’argent pour s’acheter un verger en 1988. Jean-Marc est alors âgé de huit ans et grandit entouré de pommiers.
En 1996, Marcel fonde la pépinière pour diversifier son entreprise et produire à plus grande échelle. La même année, Jean-Marc s’inscrit à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITA) à Saint-Hyacinthe. Le projet de pépinière l’interpelle, au point où il passe son premier stage d’été dans une pépinière à Saint-Paul-D'Abbotsford. Son deuxième, il le passera dans une pépinière européenne qui confirmera son choix. « Être responsable de toutes les étapes, de la production du pommier jusqu'à sa vente, c’est ce qui m’a accroché avec la pépinière », explique Jean-Marc. À sa sortie de l’ITA, en 2000, il revient à la Pépinière Rochon pour y travailler. « Mon père a vu mon attirance pour la pépinière alors il m’en a confié la gestion ». Son frère cadet Vincent s’est joint à l’entreprise quelques années plus tard pour s’occuper du verger. Ensemble, ils assurent la relève de l’entreprise familiale.
LA MULTIPLICATION DE POMMIERS, QU’EST-CE QUE ÇA MANGE EN HIVER?
Très peu de gens le savent, mais la majorité des pommiers visités à l’automne pour l’autocueillette ne proviennent pas d’un pépin planté dans le sol. D’abord, parce que le pépin d’une pomme Honeycrisp ne garantit pas que l’arbre sera de la même variété. « On connaît la mère puisqu’on sait de quelle pomme provient le pépin, mais on ne connaît pas le père. On ne sait pas d’où provenait le pollen ». Ensuite, parce que c’est beaucoup plus rapide de partir d’un bourgeon et de le greffer sur ce qu’on appelle dans le jargon un porte-greffe. Un porte-greffe, c’est une plante décapitée pourvue d’un système racinaire sur laquelle on implante un bourgeon pour accélérer le processus de croissance.
Le type de porte-greffe détermine aussi la taille de l’arbre fruitier. « Dans le temps de mes grands-parents, on remplissait un hectare de verger avec 150 pommiers environ. Aujourd’hui, avec les porte-greffes nains, on peut aller jusqu’à 3000 pommiers dans le même hectare », explique Jean-Marc. Le pommier standard de l’époque était beaucoup plus gros, ce qui retardait son rendement.
« Il n’y a pas de plan d’affaires qui peut soutenir d’avoir une profitabilité dans 21 ans! (rires) C’est pourquoi on se tourne vers les pommiers nains, dont le rendement est optimisé. On commence à avoir des récoltes intéressantes dès la quatrième année ».
Une chose est certaine, la pomiculture est un travail de longue haleine. Jean-Marc a commencé à planifier en 2022 la production d’arbres qui seront vendus en 2025.
DES VARIÉTÉS DE POMMES POUR TOUS LES GOÛTS
Jean-Marc multiplie des pommiers de plusieurs dizaines de variétés en fonction de la demande. Sa clientèle se répartit en trois catégories : les vergers qui approvisionnent les chaînes d’épicerie, ceux qui se spécialisent dans l’agrotourisme et ceux qui visent la production de cidres. La première catégorie se base sur le désir des consommateurs et consommatrices.
« Les producteurs et productrices avec qui je travaille ne veulent pas trop déroger de ce qui est connu et populaire. Il y a un engouement pour les pommes plus sucrées et croquantes. Le côté esthétique est important aussi. La variété Honeycrisp arrive en tête de liste depuis des années », précise Jean-Marc.
« Avec les producteurs et productrices en autocueillette et en agrotourisme, c'est une autre histoire. On veut se différencier des chaînes d’épicerie et offrir des variétés uniques », ajoute-t-il. Et qu’en est-il de la troisième catégorie? « Il y a un gros buzz autour du cidre. Les producteurs et productrices recherchent un goût, un arôme, une acidité ou des tannins pour faire un assemblage qui va démarquer leur cidre des autres. C’est très cool la production de cidre! Ce sont des variétés qu'on ne retrouve nulle part », conclut Jean-Marc.
LA CULTURE EN SERRE POUR ASSURER L’AVENIR DE LA PÉPINIÈRE
Récemment, Jean-Marc a souhaité ajouter un peu de variété à ses méthodes de production en construisant une première serre de 14 000 pieds carrés. « La production de pommiers en champ demande beaucoup d’énergie au sol. Je ne peux pas revenir sur le même site de production avant dix ans », explique-t-il. Aussi, les aléas du climat sont de plus en plus difficiles pour la production d’arbres fruitiers qui sont vulnérables durant l’hiver. « Les variétés les plus populaires, comme la pomme Gala qui vient de Nouvelle-Zélande, sont très peu adaptées au climat québécois ».
Finalement, la maladie du feu bactérien, qui gagne du terrain d’année en année, peut décimer une population de pommiers assez rapidement, merci. Une partie de la réponse à ce défi réside dans l’utilisation de nouveaux porte-greffes résistants et/ou tolérants au feu bactérien. Ces nouveaux porte-greffes, très capricieux dans les champs, se multiplient avec plus de succès et de facilité dans une serre.
Pour toutes ces raisons, Jean-Marc a développé un projet de culture en serre en 2020. Le moment était bien choisi puisque le gouvernement du Québec venait d’annoncer la création d’un programme pour financer ce type de projets et ainsi encourager l’autonomie alimentaire de la province. La serre a été bâtie en 2021, ce qui fait de 2022 sa première année de production en serriculture. Il reste maintenant à valider la conservation des arbres durant l’hiver. « Je vais avoir quelque chose de très intéressant à offrir. L’arbre qui prenait deux ans à produire en champ, je vais pouvoir obtenir quelque chose de similaire en une seule saison ».
L’ENTREPRISE EN CHIFFRES
4 : le nombre d’employé.e.s, qui monte à 10 au printemps et à l’automne
14 000 : le nombre de pieds carrés en serre, en plus de deux hectares et demi en champ
75 000 : le nombre d’arbres produits en 2021
5 à 7 % : le pourcentage d’augmentation du chiffre d’affaires par an
EN SAVOIR PLUS
Consultez le site Web de la Pépinière Rochon pour en savoir plus sur la multiplication de pommiers destinés aux producteurs et productrices de pommes.